Peu de quartiers de Paris ont un passé aussi riche que Saint Germain des Prés, où l’Histoire et la création se sont donné rendez-vous. Ce mélange appartient au génie de la France.
Un peu d'histoire...
Saint-Germain-des-Prés est depuis toujours un quartier au charme particulier dont le mystère ne cesse d’étonner et inspirer de nombreux auteurs.
Tout a commencé lorsqu’en 542, l’armée de Childebert, fils de Clovis, assiège les Wisigoths à Saragosse. C’est à cette période que l’on peut situer la naissance du quartier de Saint-Germain-des-Prés qui se développe autour de l’abbaye construite par Childebert sur les conseils de l’évêque Germain afin d’abriter les trésors et notamment la tunique de Saint-Vincent, obtenus de la reddition des barbares. Cette église, entourée d’un monastère, s’impose rapidement comme la plus riche de France et est rebaptisée Saint-Germain-des-Prés à la mort de l’évêque Germain.
Le faubourg se développe petit à petit pour devenir dès le XVIIème le foyer du monde littéraire et dramatique. Déjà les artistes prennent pour habitude de se réunir dans les nombreux cafés qui fleurissent dans le quartier, tel le Procope qui ouvre ses portes en 1689 à la foire Saint-Germain.
C’est ainsi que Saint-Germain-des-Prés se présente comme un lieu de cohabitation singulière entre clergé et artistes, dérogeant par là à toutes les convenances de l’époque.
Mais la Révolution de 1789 sonne le glas de l’existence de la puissante abbaye bénédictine qui est détruite successivement par une explosion puis par un incendie.
Pourtant la destruction de l’abbaye ne signe pas l’arrêt de mort du quartier dans lequel la vie intellectuelle et artistique s’épanouit au XIXème siècle. Il apparaît, dès cette époque, que les intellectuels nourrissent un attachement particulier pour ce lieu. C’est ainsi que nombre d’ artistes s’installent, qu’il s’agisse de peintres comme Delacroix , Ingres ou Manet, d’écrivains tels que Racine, Balzac ou Georges Sand mais aussi d’acteurs comme Mounet-Sully. Le quartier devient un véritable lieu de rencontres où artistes et intellectuels se plaisent à se retrouver pour de grandes discussions animées tant sur l’actualité que sur la culture.
Au cours du XXème siècle, le quartier de Saint-Germain-des-Prés reste synonyme de vie littéraire et artistique et de nombreux cafés créent leur propre cercle ou même leur prix littéraire. Le café des Deux Magots fonde le prix de Saint-Germain-des-Prés dont le premier lauréat est Raymond Queneau pour Le Chiendent. L’importance des cafés s’accroît et Léon-Paul Fargue, dans Le piéton de Paris, qualifie ainsi les trois grands cafés de Saint-Germain (Le Flore, Les Deux Magots et la brasserie Lipp) de " véritables institutions aussi célèbres que des institutions d’Etat "...
Pendant la seconde guerre mondiale et alors que restrictions et couvre-feu sont à l’ordre du jour, les cafés de Saint-Germain-des-Prés sont les derniers endroits de rencontre et d’échange de la capitale occupée. Chaque jour Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir arrivent dès l’aube dans l’un des trois grands cafés afin de s’installer aux meilleures places près du poêle.
A la libération, le théâtre d’avant-garde prend son essor. Au Théâtre de Babylone sont ainsi présentées En attendant Godot de Samuel Beckett en 1953 mais aussi Amédée ou comment s’en débarrasser de Ionesco. En 1956, La machine à écrire de Cocteau est jouée au Théâtre de l’Odéon et en 1960, Rhinocéros au Théâtre Récamier.
Cependant, les mondes de la scène et de l’écriture ne sont pas les seuls à être attirés par Saint-Germain-des-Prés.
Ainsi peintres et photographes sont nombreux à s’installer dans le quartier : en 1937, Picasso termine Guernica dans son atelier rue des Grands Augustins où son ami Man Ray lui rend régulièrement visite.
Le monde de la chanson n’est pas en reste non plus : Léo Ferré se produit à la Fontaine des Quatre Saisons et nombreux sont les auteurs compositeurs interprètes qui évoluent dans le quartier. Georges Brassens, Jacques Brel, Charles Trénet, Guy Béart, Charles Aznavour et Serge Gainsbourg sont des habitués de Saint-Germain-des-Prés lorsqu’ils n’y habitent pas.
Tout ce petit monde aime se retrouver le jour dans les grands cafés, la nuit dans les caves tel que le Bar Vert ou le Tabou qui firent tant scandale à l’époque. Dans ces caves à musique, les artistes noctambules écoutent le jazz Nouvelle Orléans et le Be Bop qui sont introduits au Club Saint-Germain ou au Blue Note par Sidney Bechet, Miles Davis ou Duke Ellington. Juliette Gréco et Anne-Marie Cazalis y sont les reines de la nuit et lancent le courant existentialiste. En effet, la jeunesse de Saint-Germain, en se déclarant existentialiste, détourne de son sens la philosophie de Jean-Paul Sartre. Cette interprétation erronée de la philosophie sartrienne ennuie considérablement son auteur qui regrette que celle-ci ne soit présentée comme un phénomène de mode scandaleuse.
L’histoire du quartier de Saint-Germain-des-Prés est une illustration du lien particulier qui unit ce quartier et la vie culturelle et artistique de notre pays et de sa capitale. C’est pourquoi il semble essentiel, afin de sauvegarder notre patrimoine culturel, de préserver l’esprit de ce lieu magique...